Péloponnèse, Magne, Lagia

On voudrait bien le croire...

Dans la partie sud est du Magne profond, le village de Lagia mérite bien une courte halte avant le cap Tenare. Bien que voisin de Vathia, dont j'ai déjà parlé, il n'est en rien semblable à ce village qui regroupe à lui seul un nombre impressionnant de maisons forteresses. Mais contrairement à Vathia qui ressemble plus à un "village - musée", La vie n'a pas déserté Lagia, et elle se concentre autour d'une petite "place" que traverse la route, bordée d'un côté par un café taverne et de l'autre par une église originale.

Commençons d'abord par faire un tour de part et d'autre de ce centre ville, si on peut l'appeler ainsi, ou plutôt "centre village". Les maisons habitées côtoient les ruines, toutes dans le style architectural du Magne...

Toutes les maisons sont dignes d'intérêt, beaucoup n'ont plus de fenêtres ni de toit, mais elles gardent fière allure.

L'une d'elle, qui tient presque du château, a été bien restaurée. Dommage qu'ils aient tout misé sur la maison et rien sur le jardin...

Et, en y regardant de plus près, on aperçoit, sur le haut du mur au dessus de l'arche d'entrée... un canon, rouillé et patiné par le temps ; un canon sur une maison, quelle drôle d'idée, se dit-on à la première pensée.

Mais en revenant au livre "Mani" de Patrick Leigh Fermor (dont j'ai aussi déjà parlé), et plus particulièrement aux pages où il décrit en détail les vendettas entre familles rivales, on comprend l'utilité d'avoir un canon sur sa maison. Je cite un extrait de ce passage :

"La possibilité d'importer des canons était un troisième bienfait inappréciable. Les hommes et les mules traînaient joyeusement sur la rive de lourdes pièces fabriquées à Contantinople, Venise ou Woolwitch, puis on les hissait au sommet des tours tandis que les troupeaux de mules chargées de poudre et de boulets montaient le long des vallées pierreuses. On pouvait désormais bombarder les tours ennemies à un kilomètre à la ronde ou bien, si elles étaient situées de l'autre côté de la rue, les faire voler en éclats à bout portant. A l'apogée d'une vendetta, les éclairs que jetaient les canons zébraient les forêts de tours, l'air était sillonné de trajectoires de balles, les boulets volaient et rebondissaient le long des ruelles, chaque fissure recelait un homme en armes et chaque mur un groupe d'homme d'où partait, au moindre mouvement de l'ennemi, une grêle de plomb qui sifflait et ricochait et dont l'écho se propageait dans le labyrinthe des rues." 

Quelle ambiance...

Et comment sortir d'une telle situation ? La réponse se trouve dans l'église de Lagia :

Une église elle aussi bien dans le style local mais, point à signaler, la porte est ouverte, ce qui est rarement le cas dans les autres églises du Magne. Alors, puisqu'on nous invite à entrer, il ne faut pas s'en priver. Et là, émerveillement ! Des fresques en parfait état du sol au plafond, cela faisait longtemps qu'on n'en avait pas vu d'aussi jolies.

Autre originalité, l'iconostase se trouve un étage plus bas que l'entrée. Décidément, cette église mérite le détour...

Et, cerise sur le gâteau, un panneau fournit des explications en grec et en anglais sur l'origine de cette construction originale.

En résumé, après nous avoir souhaité la bienvenue dans ce saint lieu, on nous invite d'abord à mesurer les durs efforts de leurs ancêtres qui, malgré des valeurs et des principes différents, ont réussi à mener à bien la construction de cette église dans des conditions défavorables.

Pour nous, c'était déjà fait, notre admiration était acquise...

On nous explique ensuite que cette église a été construite il y a 200 ans par des hommes et des femmes du village à partir de matériaux collectés dans les montagnes environnantes et rapportés sur leurs dos et épaules. Cette construction avait pour objectif principal la réconciliation et la paix entre les familles du village à une époque de conflits, confrontations, disputes et vendettas dans la zone.

Un louable objectif... 

Enfin, on nous invite à faire une donation - le nerf de la guerre - pour l'entretien de l'église. Bon, pour une fois, on a fait une petite donation, car l'église est vraiment très belle et mérite de le rester, en dehors de toute considération religieuse.

Les explications se terminaient par la courte phrase "Dieu est amour" : on voudrait bien le croire mais voilà, avec tout ce qui se passe dans le monde actuel, on aimerait bien que Dieu intervienne une bonne fois pour toute, comme pour faire cesser les vendettas, et permette enfin aux humains d'avoir un peu plus de bon sens, d'intelligence, de tolérance et de sens du partage. Vaste programme...

On a fini notre tour de village et pris encore quelques maisons en photos...

On était restés longtemps dans ce joli petit village de Lagia. Il fallait reprendre la route pour visiter le cap Tenare, et ça c'est pour le prochain article.  

Γεια σας !