Voyager avec la littérature...
Avant de rentrer dans le détail des différents endroits remarquables du Magne dans de futurs articles, je souhaite vous parler d'un écrivain qui a beaucoup aimé la Grèce. La lecture de son livre sur le Magne s'est révélée très intéressante, et donne des clés indispensables à la compréhension des lieux que l'on visite pour tout étranger curieux du mode de vie, des coutumes et des croyances de l'endroit qu'il visite, même s'il s'agit d'un ancien monde.
Je sais bien que cette catégorie de visiteurs est en voie de disparition, mais il doit bien en subsister encore un peu, restons optimistes.
Et pour cette catégorie de touristes, il existe un livre incontournable sur le Magne, celui de l'anglais Patrick Leigh Fermor, intitulé "Mani Voyages dans le sud du Peloponnese". Le titre en anglais, langue d'origine dans laquelle le livre est écrit, est "Mani - Travels in the Southern Peloponnese".
Je trouve personnellement le titre un peu ambigu, car il ne permet pas à un lecteur ne parlant pas un minimum de grec de se faire une idée du sujet de ce livre d'après son titre, s'il le voit dans une librairie. Mani, Μάνη, cela signifie "Magne" en grec ; le titre original a été conservé et traduit littéralement, pour une fois, mais vous ne pouvez savoir de quoi parle exactement ce livre que si vous savez comment on nomme la Magne en grec.
Je vais revenir un peu plus en détail au livre, mais je souhaiterais parler brièvement de l'auteur, Patrick Leigh Fermor, une personnalité haute en couleur. Il a eu une longue vie - il est décédé à 96 ans en 2011 - et cette vie a été bien remplie. Selon Wikipédia, il serait "un croisement entre Indiana Jones, James Bond et Graham Greene". Il a été espion de Sa Majesté pendant la seconde guerre mondiale et a réussi à enlever en Crète, avec l'aide de partisans crétois, le général allemand responsable de l'île puis à lui faire traverser la Crète et à l'embarquer pour Alexandrie, poursuivi par les troupes allemandes. Comme 007 l'aurait fait ! Il a écrit un livre sur cet exploit.
Il est de la veine des grands écrivains voyageurs et aventuriers (cela devait lui sembler de la "petite bière" de voyager en Grèce après ce qu'il avait vécu pendant la guerre), un peu dans la lignée de Jacques Lacarrière dont j'ai déjà parlé ici ou, plus actuel, de Sylvain Tesson (dommage qu'il n'ait pas écrit sur un voyage en Grèce...).
Patrick Leigh Farmor, qui parlait couramment le grec, a entrepris avec sa femme Joan, au début des années 1950, un voyage à travers la Grèce continentale et les îles, entre autres dans le Péloponnèse et le Magne. Il explique au début de son livre qu'il avait envisagé de ne consacrer qu'un chapitre au Magne dans un livre sur son voyage grec mais que, vu tout ce qu'il avait à raconter, il avait décidé d'écrire un livre entier sur cette région. Une très bonne idée pour nous !
Le livre a été publié pour la première fois en 1958, traduction en langue française en 1999 (il y ont mis le temps), et les éditions Bartillat ont eu la bonne idée de ressortir cette traduction française en 2018, avec une couverture originale et attractive. C'est l'exemplaire que j'ai mis en photo.
Patrick Leigh Fermor était un grand amoureux de la Grèce, puisqu'il a fait construire une grande et belle maison à Kardamili, porte d'entrée du Magne, et y vivait avec sa femme une grande partie de l'année. Il y est décédé, mais est enterré en Angleterre au côté de son épouse. Il sait donc parfaitement de quoi il parle quand il décrit le Magne...
Revenons à son livre : "Mani" raconte son voyage dans le Magne au départ des faubourgs de Sparte, mais ne constitue pas selon lui un guide de voyage (on le constate bien en le lisant). Il explique dans sa préface, qu'il a deux objectifs :
- "Il me parut préférable, en écrivant, d'abandonner le récit chronologique du voyage, d'éviter de saupoudrer ici et là le matériau accumulé sur le sol rugueux de la Grèce, d'attaquer plutôt le pays en certains points choisis et de la saisir à coeur, pour autant que je le pourrais. Ainsi je pus m'offrir de longues digressions et je tentai d'y impliquer le lecteur afin de lui faire partager un territoire grec fait à la fois d'espace et de temps, beaucoup plus vaste que celui que la rapide chronique d'un itinéraire précis aurait pu lui présenter."
- "Le second objectif est de situer et de décrire les Grecs d'aujourd'hui, qu'ils habitent les montagnes et les îles, en examinant les liens qu'ils entretiennent avec leur environnement et leur histoire, et d'aller les chercher dans les régions où les mauvaises communications et l'isolement ont maintenu ces liens relativement intacts. Dans les villes et les plaines, plus accessibles, bien des aspects de la vie qui s'étaient maintenus durant des siècles sont en train de disparaître rapidement. (...) Les sites anciens et célèbres sont soigneusement préservés mais une grande partie de ce qui est précieux et vénérable, une large part de la mémoire vivante du passé grec sont en train d'être réduites en miettes, comme écrasées par une bouteille de Coca-Cola lancée contre un rideau de fer. Il peut être utile, par conséquent, d'observer et de consigner ses aspects moins illustres avant que cette évolution ne parvienne à son terme."
Patrick Leigh Farmor, qui parlait couramment le grec, a entrepris avec sa femme Joan, au début des années 1950, un voyage à travers la Grèce continentale et les îles, entre autres dans le Péloponnèse et le Magne. Il explique au début de son livre qu'il avait envisagé de ne consacrer qu'un chapitre au Magne dans un livre sur son voyage grec mais que, vu tout ce qu'il avait à raconter, il avait décidé d'écrire un livre entier sur cette région. Une très bonne idée pour nous !
Le livre a été publié pour la première fois en 1958, traduction en langue française en 1999 (il y ont mis le temps), et les éditions Bartillat ont eu la bonne idée de ressortir cette traduction française en 2018, avec une couverture originale et attractive. C'est l'exemplaire que j'ai mis en photo.
Patrick Leigh Fermor était un grand amoureux de la Grèce, puisqu'il a fait construire une grande et belle maison à Kardamili, porte d'entrée du Magne, et y vivait avec sa femme une grande partie de l'année. Il y est décédé, mais est enterré en Angleterre au côté de son épouse. Il sait donc parfaitement de quoi il parle quand il décrit le Magne...
Revenons à son livre : "Mani" raconte son voyage dans le Magne au départ des faubourgs de Sparte, mais ne constitue pas selon lui un guide de voyage (on le constate bien en le lisant). Il explique dans sa préface, qu'il a deux objectifs :
- "Il me parut préférable, en écrivant, d'abandonner le récit chronologique du voyage, d'éviter de saupoudrer ici et là le matériau accumulé sur le sol rugueux de la Grèce, d'attaquer plutôt le pays en certains points choisis et de la saisir à coeur, pour autant que je le pourrais. Ainsi je pus m'offrir de longues digressions et je tentai d'y impliquer le lecteur afin de lui faire partager un territoire grec fait à la fois d'espace et de temps, beaucoup plus vaste que celui que la rapide chronique d'un itinéraire précis aurait pu lui présenter."
- "Le second objectif est de situer et de décrire les Grecs d'aujourd'hui, qu'ils habitent les montagnes et les îles, en examinant les liens qu'ils entretiennent avec leur environnement et leur histoire, et d'aller les chercher dans les régions où les mauvaises communications et l'isolement ont maintenu ces liens relativement intacts. Dans les villes et les plaines, plus accessibles, bien des aspects de la vie qui s'étaient maintenus durant des siècles sont en train de disparaître rapidement. (...) Les sites anciens et célèbres sont soigneusement préservés mais une grande partie de ce qui est précieux et vénérable, une large part de la mémoire vivante du passé grec sont en train d'être réduites en miettes, comme écrasées par une bouteille de Coca-Cola lancée contre un rideau de fer. Il peut être utile, par conséquent, d'observer et de consigner ses aspects moins illustres avant que cette évolution ne parvienne à son terme."
Tout est dit, et si bien... Il a vécu jusqu'en 2011 et a donc certainement constaté combien ce qu'il écrivait dans les années 50 est devenu vrai. La "bouteille de Coca-Cola" a tout écrasé, le Magne actuel n'a plus rien à voir avec ce qu'il décrit dans son livre, ce passé grec est mort, les Grecs sont maintenant tournés vers l'exploitation du tourisme de masse sans beaucoup d'égard pour l'environnement. Le Magne qui était, dans les années 1950, une région très isolée par les monts Taygète, est devenu très accessible depuis Kalamata et son aéroport.
Le livre de Patrick Leigh Fermor est donc un témoignage précieux, bien qu'un peu romantique par moment, et peut nous permettre d'imaginer, en visitant cette belle région du Magne, combien elle a pu être différente de ce que nous en voyons actuellement.
Je dois reconnaître qu'ayant visité certains lieux décrits dans le livre, je n'aurais pas réussi à reconnaître l'endroit d'après la seule description du livre. Mais quand Patrick Leigh Fermor attaque la description des croyances, des superstitions et des anciens modes de vie, on se croirait revenu dans un de ces vieux villages maniotes qui ont parsemé notre route.
Je n'en dirai pas plus sur ce livre, il faut vraiment le lire, et si possible avant d'aller dans le Magne ou bien pendant un voyage là-bas, ce qui ne fut malheureusement pas mon cas. Ce livre est très érudit, l'auteur a une connaissance de la Grèce impressionnante, il y fait régulièrement référence à des sujets pointus de l'histoire ou de la culture grecque, et il peut dérouter des lecteurs qui pensent lire un simple livre touristique ou un guide de voyage sur le Magne. C''st beaucoup plus que ça.
J'ai découvert ce livre et son auteur en deux temps. D'abord à Kardamili, puisque tous les guides parlent de Patrick Leigh Fermor et de son ami au destin tragique Bruce Chatwin, qui est lui aussi tombé amoureux du lieu ; mais curieusement je n'ai vu aucune indication de la maison de l'écrivain et de sa femme à Kardamili... Je n'ai pas fait non plus une recherche exhaustive de cette maison sur place, il y avait beaucoup à découvrir dans le temps qui nous était aparti.
De retour, j'ai fait quelques recherches sur la toile, la maison de PLF ou de "Paddy" comme il est souvent désigné se trouve à Kalamitsi, une très belle crique à quelques kilomètres au sud de Kardamyli.
J'avais fait cette photo sans savoir car je trouvais l'endroit très beau, et je comprend pourquoi Patrick Leigh Fermor et sa femme l'on choisi pour y faire construire leur maison.
La maison a été léguée au musée Benakis après la mort de Patrick Leigh Fermor en 2011 car il n'avait pas de descendant direct, avec la mission d'en faire un lieu d'accueil d'intellectuels et d'artistes souhaitant un lieu tranquille et hospitalier pour leur travail, et avec l'autorisation de la louer 90 jours par an pour couvrir une partie de ses frais d'entretien. Il semblerait que tout ça, ce soit pour 2020... avec une ouverture au public à l'été 2019. La maison aurait été ouverte à la visite jusqu'en juillet 2017 et ensuite refermée pour travaux. Quand on connait l'impact qu'a eu la crise grecque sur les budgets culturels, pas étonnant que ça prenne 9 ans. Il semblerait aussi que la maison n'était pas en bon état et nécessitait des réparations.
C'était donc trop tôt en juin cette année pour se faire une idée de visu de l'endroit paradisiaque dans lequel l'écrivain voyageur et sa femme avaient choisi de poser leurs valises à Kardamyli.
Mon second contact avec le livre de Patrick Leigh Fermor s'est fait à Areopoli. Je cherchais le livre de Georges Hassanakos sur le Magne (je vous parlerai aussi de ce livre dans un prochain article), et dans l'une des deux librairies d'Areopoli, je suis tombée sur le livre de Patrick Leigh Fermor, en anglais. Je ne me sentais pas capable de lire l'intégralité du livre dans sa langue d'origine - ce qui aurait été mieux -, j'ai fait une photo de la couverture en me promettant de le chercher en français dès mon retour.
Ce que j'ai fait, avec succès. La couverture du livre en français est identique à celle en anglais, ce qui a facilité mes recherches, car ce n'est pas un best seller disponible dans toutes les librairies. En le lisant en français, j'ai compris que j'avais bien fait de ne pas me lancer dans sa lecture en anglais... c'est un objet très littéraire, et j'admire l'excellente traduction française qui en a été faite.
Je pense avoir de nombreuses occasions de le citer régulièrement dans la suite des articles sur le Magne, c'est LA référence sur ce sujet.
Et pour ceux de mes lecteurs ou lectrices qui maitrisent bien l'anglais, il y a un site internet dédié à Patrick Leigh Fermor https://patrickleighfermor.org/ qui regorge d'informations très intéressantes sur lui et sa maison de Kalamitsi.
Γεια σας !
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