6 mars 2015

La trilogie écossaise de Peter May

Dépaysement garanti...


Pour changer des messages sur le réel, faisons un petit détour par l’imaginaire, dans des îles bien sûr pour rester dans l’esprit du blog, et plus particulièrement dans l’île de Lewis (et Harris), une des îles de l’archipel des Hébrides, un amas d’îles et îlots situé au nord-ouest de l’Ecosse.

Je viens de finir la lecture de la « Trilogie écossaise » de Peter May (j’y ai mis le temps… les livres datent de 2009 à 2012), trois polars qu’on peut lire sans ennui dans la continuité et qui ont tous pour cadre principal l’île de Lewis (et Harris), avec quelques mentions à des îles voisines ou à la terre ferme. 


Les trois tomes sont les suivants :
  • tome 1 : l’île des chasseurs d’oiseaux, dont le titre original est « The Black House », la dénomination de l’habitat traditionnel de l’île, avec les « white house »,
  • tome 2 : l’homme de Lewis, titre original « The Lewis man »,
  • tome 3 : le braconnier du lac perdu, titre original « The chessmen ». 
Que je sois claire, il ne s’agit pas de polars nerveux et sanglants comme ceux de Pierre Lemaitre ou de Michael Connely par exemple, pour prendre deux de mes auteurs préférés du genre. Il est plutôt question de profiter, pour l’auteur, de meurtres qui se produisent dans l’île pour évoquer, par des retours dans le passé, différents thèmes de société et décrire la vie (rude) dans ces îles balayées par des vents forts et baignées par des eaux dont la température se rapproche plus du glacial que du tiède. Les descriptions sont courtes, mais évocatrices, jamais ennuyeuses, et nous transportent dans un univers de landes, de tourbières, de machair et de falaises battues par des eaux hostiles. La religion (protestante) y est omniprésente, et on y parle plutôt gaélique qu’anglais.
Peter May sait de quoi il parle, il précise dans l’introduction qu’il a passé plusieurs années sur Lewis à l’occasion des épisodes d’une série télévisée, ce qui lui a fourni de la matière pour ses trois livres, tous très documentés. 

Le personnage principal est Fin MacLeod (un nom typiquement écossais…), un policier brillant dont ni l’enfance ni la vie d’adulte n’ont été ni ne sont un long fleuve tranquille. Sa vie personnelle est relatée en détail, depuis son enfance dans le tome 1, son adolescence et début d’âge adulte dans le tome 3, via de longs passages de retour dans le passé, jusqu’à sa vie d’adulte qui se déroule tout au long des trois tomes, une méthode astucieuse de l’auteur pour nous parler de différents aspects de la vie dans l’île de Lewis.
Le polar reste toujours présent, et les enquêtes sont menées à bien, avec des rebondissements de dernière minute dignes de la technique habituelle de Michael Connely, l’apothéose se trouvant dans le tome 3, le bouquet final en quelque sorte. 

Personnellement, j’ai beaucoup aimé ces trois livres, tout d’abord par le cadre dans lequel se déroulent les enquêtes, un dépaysement garanti dans ces îles dont j'ignorais l'existence si on a un peu d’imagination, ensuite par le style du récit, la narration de la vie quotidienne des habitants de Lewis, si différente de la nôtre, et enfin par les thèmes abordés, sans oublier le côté polar bien ficelé.

Le tome 1, l’île des chasseurs d’oiseaux, fait revenir Fin Mac Leod sur l'île de son enfance car le meurtre qui vient d'être commis (celui d'Ange MacRitchie) ressemble fort à un autre meurtre sur lequel il a enquêté à Glasgow. C'est le point de départ pour l'évocation de tous ses souvenirs d'enfance, puisqu'il connaissait bien Ange MacRitchie (de triste réputation). C'est pour l'auteur l’occasion de narrer en détail la vie des enfants à Lewis, leur scolarité, le choc entre le gaélique parlé à la maison par leurs parents, et l’anglais officiel de l’école, et d’évoquer la tradition de chasse des poussins sur l’île voisine de An Sgeir, un plat de choix pour les habitants de Lewis, la chasse de ceux-ci s’apparentant à un rite « initiatique » du passage à l’âge adulte pour les jeunes qui y participent pour la première fois. 

Le tome 2, l’homme de Lewis, est celui qui m’a le plus plu. Cette fois-ci, c'est la découverte d'un cadavre inconnu extrait d'une tourbière qui lance l'histoire, tourbière dans laquelle il devait être depuis longtemps vu l'état dans lequel il a été retrouvé. L’intrigue policière s'apparente à une plongée dans le passé, et le récit du sort des orphelins rappelle l’ambiance du film de Peter Mullan « The Magdalene sisters ». L’absence de charité des églises, qu’elles soient catholique ou protestante, envers les enfants orphelins ou abandonnés, les « homers » envoyés dans des familles d'accueil sur l'île de Lewis, y est décrite avec beaucoup de détails, et l’aspect humain est très présent dans ce récit. L’auteur y traite également des personnes âgées atteintes de maladies dégénératives avec beaucoup d’humanité.

Le tome 3 est plus léger et laisse un peu tomber les thèmes de société, pour se concentrer sur l'intrigue policière et évoquer l’histoire d’un groupe de jeunes musiciens célèbres dans le domaine traditionnel gaélique, après la découverte au fond d'un lac (un loch...) d'un petit avion contenant ce qui est supposé être le cadavre du chanteur / compositeur du groupe Amran, disparu 16 ans auparavant. L’aspect polar et enquête sur meurtre y est très présent et il faut vraiment attendre les dernières pages pour tout comprendre et découvrir pourquoi l’auteur a donné le titre si approprié de « Chessmen » à son dernier opus. C’est effectivement une belle partie d’échecs ! 

Et comme un leitmotiv dans toutes ces histoires, reviennent les thèmes de la loyauté, du respect des amitiés et des serments prononcés, de la solidarité avec les plus faibles, des notions bien malmenées dans le monde actuel.
Je ne vous donne pas trop de détails sur les histoires, ce sont des polars, si j’en dis trop je vais vendre la mèche…

Après ces paroles positives, abordons le « côté obscur de la force »… L’éditeur n’a pas du se forcer beaucoup pour relire les manuscrits… Il y a des fautes de frappe, d’orthographe, de grammaire, … régulières dans les trois tomes, en nombre suffisant pour qu’on les remarque et que cela donne une piètre image de cet éditeur. Personnellement, je ne peux que déplorer ce travail « quick and dirty », l’auteur aurait mérité mieux. 

Et enfin, un sujet qui ne manque pas de m’énerver, cette propension des éditeurs à remplacer le titre original donné par l’auteur dans sa langue par un titre racoleur lors de la traduction, qui trahit l’esprit du récit. Le pire est le titre du 3ème tome, « The chessmen », les joueurs d’échecs, si bien approprié au contenu et à l’histoire, remplacé par « Le braconnier du lac perdu ». N’importe quoi, comme d’habitude. Ca va bien avec les fautes de français, tiens !

Voilà, j’espère vous avoir donné l’envie d’y aller voir par vous-même, même si le travail éditorial ne mérite pas autant de publicité. 
Une belle plongée dans des îles qui ont conservé leur langue et leurs traditions, même si certaines sont discutables.


Bye, bye !

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