8 juillet 2016

La Réunion, Saint Paul, le cimetière marin

En route pour la chair de poule...

La ville de Saint Paul est une petite bourgade de bord de mer sur la côte ouest de l'île de La Réunion. Elle a une longue plage de sable noir que vient lécher l'océan Indien, mais cette plage est déserte. Déserte, alors que le temps est beau et que la température de l'eau doit atteindre 25° ? Eh oui, malheureusement. L'île a subi toutes ces dernières années des attaques meurtrières de requins, et on comprend aisément pourquoi personne ne veut mettre les pieds dans l'eau. Je reparlerai plus en détail de ce sujet dans le message que je prépare sur Boucan-Canot.


Saint Paul possède deux centres d'intérêts supplémentaires, son marché forain (tous les vendredis matin), et son cimetière marin. Alors après le marché, chose pas courante, direction le cimetière, à la sortie sud de la ville, le long de la route du bord de mer. Certain(e)s vont me trouver macabre, avec des goûts bizarres, mais attendez ! Des cimetières comme ça, on n'en voit pas en métropole, dépaysement garanti. D'accord, il y a des tombes, comme dans tout cimetière, mais si nos cimetières tristes avaient cette allure là, il est sûr qu'on y irait plus souvent.

On entre ?



La ville de Saint Paul a bien fait les choses dès l'entrée, car les tombes "célèbres" sont tout de suite signalées. Je mets le mot entre guillemets, car ce n'est quand même pas Jim Morisson et le Père-Lachaise, mais quand même... le dernier pirate, le poète français Leconte de Lisle, né ici même en 1818, at qui succéda à Victor Hugo à l'académie française, Eraste Feuillet, ... Ah, Eraste Feuillet, une histoire romanesque et pas très morale pour celui-là. J'en ai des choses à vous raconter !


Commençons par le pirate, on nage déjà en plein roman. Je ne sais pas si vous avez connu la série de livres pour enfants qui s'appelait "Chair de Poule", mais je trouve que la police de caractères utilisée sur les panneaux de l'entrée ressemble à s'y méprendre à celle des titres de ces bouquins. Et quand je vous dirait qu'Olivier Levasseur, qui écuma l'océan Indien au 18ème siècle, était surnommé La Buse à cause de la rapidité avec laquelle il fondait sur ses proies, et qu'il est enterré là car il a été pendu haut et court à La Réunion en châtiment de ses "exploits", vous ne trouvez pas que ce cimetière a déjà comme un petit goût d'aventure ?
Voici la tombe de l'aventurier :


Enfin, sa tombe... C'est pour attirer les visiteurs car ce cimetière a été construit plus de 50 ans après sa mort. En plus, à l'époque, ça ne rigolait pas, on ne mettait pas les condamnés à mort en terre consacrée. Oui, je sais, je casse un peu l'ambiance après avoir fait tout un roman. Mais si le coeur vous en dit, son trésor n'a toujours pas été retrouvé. Certains le cherchent encore. Et vu ce qu'il a pillé, il doit y avoir des diam's et de l'or à pleines caisses.

L'état d'usure de certaines tombes donne une idée de leur âge. Impossible de lire le moindre nom ni date.


Passons au moment culturel, la tombe du poète Leconte de Lisle, romantique et chef de file du mouvement Parnassien, dont la célébrité est attestée par l'emplacement de sa tombe dans l'allée principale du cimetière :


Il a passé son enfance dans l'île Bourbon, avant d'aller mener sa vie en métropole, et il me semble qu'il est plus à l'honneur dans ce cimetière de Saint Paul que dans un morne cimetière des Yvelines, où il est décédé. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il est mieux ici, enfin si, ça y est, c'est dit.


Ce cimetière est un vrai jardin. Il y a des arbres, des arbustes en fleur, mais le plus beau ce sont les tombes où la pierre tombale a été remplacée par un fouillis de plantations du plus bel effet.


Il y a de nombreuses tombes jardin, et ce cimetière n'est pas une exception. Nous en avons vu d'autres où il y avait le même type de sépultures. Et quand elles sont côte à côte :


Un cimetière gai ! Je viens de trouver un nouvel oxymore, tiens.
Une situation idyllique pour une tombe, bien que je doute que cela console les pauvres morts qui reposent ici pour l'éternité.


Terminons maintenant avec Eraste Feuillet, capitaine au long cours mort à 28 ans (c'est bien jeune...), et son épitaphe un rien mystérieuse :


"Victime de sa générosité, l'arme qui devait le défendre lui donna la mort". Diable, diantre ! Ca veut dire quoi, ça, concrètement ?
Eh bien, là aussi, c'est un vrai roman. Eraste a eu la malchance, en jetant ses "eaux usées" par la fenêtre, que celles-ci tombent sur la tête d'un grincheux qui lui a demandé réparation de l'outrage en le provoquant en duel. L'arme retenue fut le pistolet. Sauf que, le pistolet du grincheux s'est enrayé lors du duel et Eraste, gros ballot, au lieu de lui apprendre un peu l'humour par une balle dans le caisson, s'est approché de lui pour lui proposer d'en rester là. L'autre, teigneux à souhait, s'est alors emparé de l'arme d'Eraste et l'a tué. Bel exemple de fourberie. Comme quoi, déjà à l'époque, le fair play ne payait pas, mais alors pas du tout !

Ça se passait en 1830. Mourir à 28 ans pour avoir une tombe que tous les touristes visitent encore près de 200 ans après, ça fait une belle jambe.

Voilà, la visite est terminée. Il n'est pas original, le cimetière marin de Saint Paul ? Il ne mérite pas un détour après le marché ?

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