9 décembre 2016

Une plante indocile nommée Câpre

Eloge de la liberté

J'ai quelques plantes fétiches, avec un gros coup de coeur pour la famille des succulentes, aéoniums en particulier mais pas que... Il en est une que j'aimais avant les aéoniums et que je continue à adorer : le câprier.
Sans savoir sur quoi ils poussaient, à part dans de petits bocaux en verre où ils baignaient dans la saumure, j'ai, depuis la plus tendre enfance, aimé les câpres que l'on met dans la cuisine, dans les salades de tomates, les plats méditerranéens, avec leur goût inimitable. Ils sont comme le disent certains maintenant "trop bons".

Et puis les séjours dans les îles grecques sont arrivés et j'ai découvert une plante qui avait une fleur magnifique, fine, élégante, de grandes étamines blanches surmontées d'un violet éclatant, une merveille de mon point de vue, et qu'on trouvait un peu partout, dans les endroits en friche, dans les vieux murs ou même les plus récents, pour peu qu'il y ait une anfractuosité où elle puisse se caler.


Même à Santorin, dont on ne peut pas dire que l'activité rurale soit omniprésente, le câprier est bien accroché à son mur :


(photo prise en 2009 à Imerovigli). Reste à savoir si le câprier a réussi à rester accroché au mur, ou si des mains mal intentionnées à son égard se sont chargées de lui régler son compte.

Cette fameuse plante a des boutons de fleurs qu'on cueille et qu'on peut manger, un peu comme nos cornichons. Eh oui, c'est un bouton de fleur, le câpre du bocal ! On en aperçoit quelques uns sur les deux photos ci-dessus, la première est prise à Sifnos, Ano Petali. Entre parenthèses, j'ai bien fait de prendre la première photo une année passée car cette année le câprier n'y était plus... C'était sur le mur d'un hôtel (cher, trop cage à touristes pour nous) dont je tairai le nom pour ne pas lui faire de publicité, et qui a du l'arracher, trouvant probablement inesthétique que de telles "herbes" poussent sur leur mur. Dommage... Les murs de pierre sèche sont les refuges idéaux des câpriers, qui apprécient les sols dépourvus d'eau.

Cette plante, on la voit partout dans les îles grecques, à l'état sauvage le long des sentiers, les racines coincées dans la fente d'une pierre comme celui-ci à Amorgos qui a l'air de bien profiter de l'emplacement :


ou celui-là à Folegandros du côté de Georgi T'Aga, un "petit jeune" qui vient juste de s'installer et commence à se faire une santé :


On la trouve aussi dans des lieux habités, dans un vieil escalier par exemple ici à Artemonas, Sifnos (la plante verte qui rampe sur la marche, c'est un câprier) :


Une plante très rentable, puisqu'on mange tout, c'est comme dans le cochon. On trouve des feuilles de câpre conservées dans la saumure à Santorin - c'est bon, ça a le même goût que nos câpres mais en moins parfumé. Les italiens des îles Eoliennes se sont fait une spécialité des "cucunci", le fruit du câprier, qu'ils conservent également dans la saumure ou le vinaigre - ce n'est pas mauvais, mais ça a un goût peu prononcé... Le meilleur dans les câpres ce sont encore les boutons.
Les grecs ne s'embarrassent pas trop avec l'emballage ; voila ce que ça donne dans une épicerie "old fashion" de Naxos, un magasin comme je les aime, où les odeurs vous accueillent dès l'entrée, et où on trouve de tout mais pas forcément sous la même forme que chez nous :


Par contre, les câpres grecs... je n'arrive pas à les manger, ils sont beaucoup trop salés, immangeables pour moi.

Dans les îles Eoliennes, des îles volcaniques au nord de la Sicile, il y a aussi pléthore de câpriers, de quoi se faire plaisir en photographie comme ici, à Salina :


La cuisine éolienne intègre les câpres en bouton (j'ai donné une recette locale dans cet article) ainsi que les cucunci, et ils sont bien moins salés que les grecs.
Et, pour que les grecs ne soient pas en reste quand même, voici une belle assiette de carpaccio de thon blanc, spécialité entre autres de la taverne d'Aghios Nikolaos à Folegandros, celle d'en haut, pas l'horrible gargote du bord de mer qui nous pollue les oreilles avec le bruit de son groupe électrogène, et où nous n'avons donc jamais voulu mettre les pieds ni leur donner un seul euro. Saupoudrée, entre autres, de câpres, bien entendu :


Alors, cette année à Sifnos, quelle ne fut pas ma joie de trouver dans la revue annuelle locale "You are here" dont j'ai déjà parlé ici, un article entier dédié au câpre ! Il regorgeait de détails sur cette plante qualifiée d'"indocile", car elle peut pousser , je cite "dans les lieux les plus étranges". Ce ne sont pas les photos précédentes qui donneront tort à l'auteur de l'article. Une plante rebelle ? Ça n'est pas pour me déplaire...

Mais ensuite, gros désappointement... L'article indiquait qu'il est extrêmement difficile de la cultiver de manière organisée et suivie. J'avais déjà rapporté de Grèce deux cucunci pleins de graines, qui doivent être bien secs à l'intérieur de la maison depuis le temps qu'ils y sont et que je les regarde de loin, avec l'idée de les planter un jour (notion de temps typiquement grecque) pour voir ce que ça pourrait donner. Crac, mes espoirs sont en miettes...  D'autant plus que le dernier paragraphe de l'article enfonce le clou, en indiquant sans détours, je cite : "Si vous tentez de replanter une plante qui pousse à l'état sauvage, cela vous vaudra une peine inutile, et si vous coupez une partie de ses rameaux essayant de la faire pousser dans un pot à fleur, n'attendez pas à être satisfait du résultat du greffon, avant qu'une période de trois années ne passe". Je vous promets, je n'ai rien changé à la version du texte en français... que j'ai recopié mot à mot, mais on comprend bien que ce n'est pas la peine d'essayer, une bouture qui doit attendre 3 ans c'est un peu dissuasif ! Enfin c'est ce que j'ai cru comprendre entre les lignes.

Eh bien, il ne me connait pas, l'ingénieur agronome Pantelis Ayioutandis qui a rédigé l'article. Ni une ni deux, j'ai trouvé un beau cucunci bien "mûr" à Sifnos, j'ai pris le temps de lui sortir les graines une par une et je les ai ensuite laissées sécher à l'air libre.


On va bien voir ce que ça donne de planter quelques graines dans un peu de terre (bien sèche si j'ai tout compris) au printemps prochain. Je vous montrerai le résultat, s'il y en a un. Mais d'après ce que j'ai lu, il va falloir que je lui tire sur les feuilles si je veux obtenir un câprier, si tant est que des feuilles vont daigner se montrer...

J'espère vous avoir au moins diverti avec mon petit laïus sur ce que je considère comme une des plus belles fleurs. Allez, une petite dernière, pour la route, en gros plan ?




Γεια σας !

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