17 janvier 2017

Folegandros, ou autre... , les terrasses

Déliquescence de notre temps...

Je viens de terminer la lecture du dernier et excellent livre de Sylvain Tesson "Sur les chemins noirs", et il y décrit un paysage de Provence avec d'anciennes terrasses à l'abandon. Rien à voir avec les îles me direz-vous, sujet quasi exclusif de ce blog. N'empêche... Des terrasses il y en a aussi dans les îles grecques, et un passage du livre a résonné en moi. En le lisant j'ai vu défiler dans ma tête les paysages de Folégandros, Sifnos, ... de toutes ces îles montagneuses où les paysans n'avaient d'autre choix pour leurs cultures que de façonner des terrasses.

Je vous cite d'abord le passage du livre de Sylvain Tesson, et j'illustrerai ensuite ses propos par quelques photos prises dans les Cyclades. On se croirait en Grèce quand il décrit les terrasses provençales.
"Les terrassements témoignaient de la longue présence des hommes en ces versants et de leurs travaux herculéens qui avaient refaçonné le profil des reliefs. A marcher sur les calades bordées de murets, je pratiquai une forme d'archéologie vivante. Il avait fallu des millénaires pour métamorphoser ces pentes en escaliers agricoles. Quelques décennies avaient rendu les déclivités à la broussaille. La force aveugle de l'époque était cette rapidité avec laquelle elle se débarrassait des vieilleries. 
(...) Pourquoi les peintres ne s'étaient-ils pas intéressés aux terrasses abandonnées ? Il y avait là toutes les caractéristiques des Vanités du XVIIIe. Au lieu du crâne humain, de sa fleur et de son sablier, on disposait de la pierre où rampait le lierre. L'appareil symbolique était différent mais le message était le même : tout passe. L'éphémère du mur de pierre était même un peu plus triste. Car si le mur et l'homme étaient promis à la même désagrégation, le travail avait été plus harassant pour édifier le premier que pour reproduire le second."
(pages 55 et 56 de "Sur les chemins noirs")

Comme c'est bien écrit et comme l'analyse est juste ! Ils ne sont plus très nombreux les grands voyageurs aventuriers à savoir écrire comme cela et à avoir la tête si bien remplie...

Voici une illustration du propos, sur l'île de Folegandros. Les anciennes terrasses occupent la partie droite de la photo et descendent jusqu'à la mer :



On a du mal à les distinguer de loin car ce ne sont plus que des ruines de terrasses qui se fondent progressivement dans la pente. On se prend à imaginer ce que pouvait être le paysage lorsque ces terrasses étaient encore cultivées. Les couleurs des parcelles de céréales devaient se mêler agréablement à celles des champs d'oliviers, dont certains subsistent encore de nos jours. Les hommes qui ont planté ces arbres ont très probablement disparu depuis longtemps, mais les végétaux sont toujours en vie ; moins bête que le bipède, ils n'utilisent les ressources à leur disposition qu'avec parcimonie, sans gaspillage, et se contentent de peu.

Les voici, ces anciennes belles terrasses, un peu plus en gros plan, de quoi constater leur état de délabrement. Comme le dit si justement Sylvain Tesson, il n'aura pas fallu de nombreuses décennies, à l'ère du business touristique, pour que la nature reprenne ses droits faute de bras pour l'entretenir :



Un peu plus au nord, le long du chemin qui descend vers Aghios Georgios, toujours sur l'île de Folégandros :


Et encore... Il reste un bout de chemin, il ne faut pas se plaindre. Les grecs ont aussi tracé une route un peu plus loin, comme une cicatrice bien visible dans le paysage, une vilaine balafre. Pourtant, la plage d'Aghios Georgios n'a rien de Copacabana ! Défigurer le paysage à coup de gros engins pour accéder sans efforts à une plage pas terrible, c'est du gâchis. Elle aurait pu nous sembler plus charmante si on ne pouvait l'atteindre qu'à pied, un petit goût de bout du monde qui vous rend les choses plus belles dès qu'on a fait des efforts pour l'atteindre.

Mais je m'en voudrais de rester sur une impression négative, de démolition. Alors j'ai fouillé dans mes archives, des "fouilles archéologiques" pour continuer à parler comme Sylvain Tesson, et j'ai aussi retrouvé quelques photos de terrasses encore en service, bien entretenues.
En voici une à Sifnos. Le chemin qui se rend au magnifique monastère d'Aghios Simeon depuis Apollonia traverse un paysage rural où il reste encore de la culture au 21ème siècle. Une vue reposante, des terrasses couvertes d'oliviers dont on voit, au sol nettoyé, qu'elles sont encore bien entretenues :


Je vais choisir de rester sur cette image, notre époque a une grosse tendance à ne parler que de ce qui ne va pas, eh bien inversons la tendance... Il y a certes des terrasses en ruine à Sifnos, c'est une constante dans toutes les îles grecques, louer des chambres ou nourrir les hordes de touristes rapporte plus que "cultiver son jardin", mais dans ces îles il reste aussi des ânes pour se déplacer sur les sentiers et quelques agriculteurs qui s'accrochent à leur lopin aride. On verra à qui l'avenir donnera raison.

Γεια σας !

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