1 mars 2020

Cythère, Paliochora

Par le sombre lit du torrent...

Aujourd'hui, direction Potamos dans la partie nord de l'île, avec l'objectif d'aller en randonnée jusqu'à Paliochora par le sentier balisé M31.

Paliochora, étymologiquement l'ancienne Chora, était au 12ème siècle la capitale byzantine de Cythère. Bien que cachée aux yeux d'arrivants extérieurs à l'île, elle n'a pas réussi à échapper, au 16ème siècle, au redoutable pirate turc Kayr Ad Dîn, plus connu sous le surnom de Barberousse. En effet, ce dernier a trouvé Paliochora, l'a assiégée, et, une fois prise et pillée, l'a détruite. La vie était très dure à l'époque... même si certains événements actuels sur notre planète pourraient laisser croire que les choses n'ont guère changé et que l'espèce humaine qui se croit si supérieure, bien qu'équipée de plus de neurones que les autres espèces animales, ne sait pas vraiment bien s'en servir...
J'arrête là mes digressions, Paliochora ne s'est jamais remise du passage de Barberousse, et n'a donc jamais été reconstruite. Nous allons donc voir ses ruines.

Potamos est un village animé le matin, principalement autour d'une longue place centrale ombragée accueillant quelques tables des tavernes avoisinantes. Nous garons la voiture. Comme on ne voit nulle part d'indication de départ du sentier M31, je me renseigne auprès d'un grec sur la place. Celui-ci nous envoie à Trifyllianika et, en regardant très attentivement la carte, on voit que c'est une bonne idée. Entre Trifyllianika et Potamos, le "sentier" M31 suit quasiment tout le temps la route asphaltée, ce qui ne nous le rend pas très attractif.
On reprend donc la voiture jusqu'à Trifyllianika et, grande chance, il y a de la place à l'ombre devant une église pour la garer.
Un vieux grec est assis à l'ombre juste devant le panneau indicateur du sentier.


Il épluche des artichauts pour ne garder que les fonds qu'il met dans un bac d'eau citronnée. Il nous indique la direction de Paliochora en nous disant "μια ώρα", une heure donc pour y aller. Cool...

Il parait qu'il y a une fontaine à voir. Le panneau de Paths of Greece indique deux directions possibles pour Paliochora, dont une qui passe par la fontaine, avec l'indication en anglais "through skoteini creek" et en grec "áπο ρέμα σκοτεινής". Sur le coup je ne percute pas... Quand je randonne, je ne fourre pas mon dictionnaire grec dans le sac à dos. Ne connaissant pas le sens du mot grec "ρέμα", que j'ai cherché de retour à la chambre et qui signifie torrent ou lit de torrent, je me suis fiée au sens premier du mot creek en anglais, qui veut bien dire crique, mais... aussi ruisseau - ça je l'ai aussi découvert après - et nous avons pris la direction de Paliochora via ce que je pensais être la crique de Skoteini comme indiqué, et non le lit du torrent de Skoteini. 

Le nom grec du torrent est très pertinent, il est appelé "Skoteini" - l'adjectif grec σκοτεινός signifie sombre, obscur, ténébreux,... -, nous allions le découvrir...

On descend en 5 minutes à la fontaine, qui franchement ne mérite pas le détour, puisqu'il n'y a pas d'eau au gros robinet (fermé) qui l'équipe désormais.


Il y a des marques de balisage blanches et bleues sur un sentier qui continue à couvert, nous les suivons donc.
Et c'est là que l'adjectif grec "skoteinόs" et le mot grec "rema" vont prendre tout leur sens... Le chemin suit le fond d'une gorge, une belle falaise à droite, une végétation dense, de gros blocs rocheux disséminés tout le long de l'itinéraire. On a l'impression de marcher dans le lit (à sec) d'un torrent. Tiens, tiens, ça ne m'a même pas mis la puce à l'oreille, trop occupés que nous étions à ne pas perdre le balisage, sous peine de se retrouver devant un amoncellement rocheux difficilement franchissable. On a fait quelques demis tours jusqu'à trouver la fameuse marque blanche et bleue qu'on avait loupée et reprendre ainsi le seul cheminement possible dans ce qui est, vraiment, le lit d'un torrent...
L'itinéraire est très monotone, il faut regarder en permanence où on pose les pieds - en plus de guetter les marques de balisage -, le seul avantage est qu'on est à l'ombre, très appréciable quand le soleil tape dur.
Le chemin nous a semblé long, je n'ai pas pensé à prendre des photos, en voici juste une sur l'une des courtes parties agréables sans blocs rocheux.


Il y a en plus un paquet d'insectes qui me bourdonnent aux oreilles. Je n'arrive pas trop à distinguer ce que c'est, tant qu'on avance ils ne piquent pas, mais je saurais plus tard à mes dépens à quoi j'avais affaire...
On finit quand même par revoir le soleil (ouf !) et entrapercevoir une ruine en hauteur devant nous. On approche !


Notre sentier débouche dans le lit à sec d'un autre torrent, qu'il faut encore suivre en se fiant au balisage puis, enfin, une marque nous fait sortir de ces terrains scabreux et emprunter un vrai sentier qui monte vers les ruines. Nous sommes au pied de Paliochora.


Tout en haut, nous trouvons un panneau indicateur qui balise l'autre sentier d'accès à Paliochora, que nous nous promettons d'emprunter au retour. Le fond de la gorge caillouteux et sombre, c'est bon, on ne va pas le reprendre deux fois.

Nous faisons un tour dans ce qui a été l'ancienne capitale de l'île, aujourd'hui réduite à l'état de ruines. 


Les îliens avaient pourtant trouvé un site stratégique et magnifique, sur les hauteurs à la rencontre de deux profondes gorges.


La promenade dans les ruines de Paliochora est magique, bien évidemment nous sommes seuls, une occasion de profiter d'un moment de silence absolu. Le paysage est sauvage, et on a du mal à imaginer comment des humains ont pu vivre dans cet endroit rocheux et sec.


Nous apercevons la chapelle ancienne qui figure sur nombre de photos du site, elle se trouve le long de notre chemin de retour. 


Nous reprenons donc le chemin vers Potamos et faisons une halte à Aghia Varvara (sainte Barbara), une belle chapelle de style byzantin avec son toit de lauzes. Elle est fermée, nous ne pourrons pas voir l'intérieur...


Et c'est là, immobile pendant que je prend des photos, que je résous le mystère, à savoir ce qui m'a bourdonné aux oreilles pendant tout le trajet aller. Je sens une piqure sur le bas de ma jambe, je baisse les yeux, j'ai un gros taon sur la cheville. Je secoue la jambe pour le faire partir, mais il ne veut pas lâcher son casse-croute, il se cramponne. Il faut que je lui tape dessus pour le faire partir. Il me reste une goutte de sang sur la cheville, et une grosse cloque qui arrive. Il a du se régaler ! Un deuxième en profite lâchement pour me piquer plus haut. Bon, pas la peine de s'attarder, je ne suis pas le repas des taons. On repart...

On suit donc le sentier balisé. Mais balisé ne veut pas dire dégagé... certaines parties auraient bien besoin d'un débroussaillage, le sentier est par moment envahi par la végétation, surtout des épineux, et le "vernis" se prend quelques bonnes rayures, vu qu'avec cette chaleur, je suis encore en short. Un pantalon aurait été plus adapté.


Ce chemin de retour est très agréable, un sentier classique qui chemine en hauteur avec une belle vue sur le paysage alentour. On entend un bruit d'eau, on aperçoit un tout petit cours d'eau plus bas, ce doit être la raison pour laquelle les habitants de l'ancienne Chora avaient construit leur ville ici, il y a de l'eau même en été.


On traverse plusieurs fois à gué ce petit filet d'eau, puis le sentier continue de monter, on descend et on remonte dans une dernière petite gorge, puis on finit pas déboucher derrière les maisons de Trifylliadika, là où se trouve le panneau signalétique du sentier et où le vieux grec épluchait ses artichauts. Il doit être en train de les manger...
Voilà, la boucle est bouclée... 

Au final, malgré quelques petits désagréments mineurs, c'était une très belle balade, pas si méchante que ça : 2,4 km à l'aller, 2,3 km au retour si on se fie au panneau, plus le tour dans Paliochora, cela doit nous faire 6 km environ, pas vraiment long pour une marche.
Mais... il faut penser à prendre beaucoup d'eau. Nous n'avions qu'un litre chacun, et j'aurais apprécié d'en avoir plus avec la chaleur sans un souffle d'air. Mon podomètre indique que nous n'avons fait qu'1h40 de marche effective, mais nous y avons passé presque 3 heures avec l'exploration des ruines de Paliochora et les photos.
Une fois qu'on sait à quoi s'attendre, la boucle que nous avons faite était le bon moyen de faire l'aller retour au site de Paliochora. C'est toujours plus agréable de ne pas prendre le même itinéraire à l'aller et au retour, et il vaut mieux emprunter le lit du torrent à l'aller qu'au retour pour rester sur une bonne impression car le retour était vraiment très agréable.

Par contre, le site Kithira hiking donne à ce sentier un niveau de difficulté de 1/5 avec la qualification "kids friendly". Sans vouloir polémiquer, je n'y emmènerais pas des enfants sauf s'ils aiment les terrains accidentés. Je les vois mal se passionner de marcher dans le lit du torrent pour aller visiter ensuite un tas de ruines et se faire piquer par des taons. Teen ager friendly, peut-être ? quoique, non plus... on ne capte rien à Paliochora.

Le bilan est quand même très positif, cela vaut vraiment la peine d'aller voir ce site grandiose !


Γεια σας !

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